(F) R.I.P ۞ Les Prédéfinis

Née dans la ville de Kadykchan, elle n'eut pas le droit de choisir sa destinée. Au regard de sa place au sein de la famille, elle prendrait la place de suprême, et n'aurait de ce fait ni le droit de choisir son époux, pas plus qu'elle ne pourrait choisir ce qu'elle viendrait à faire de sa vie. Elle sembla faire fi de ces inconvénients et mena sa vie comme on l'entendait pour elle, tout du moins jusqu'à ce que les rênes du pouvoir lui échoient. Véritable furie, pour ne pas dire reine parmi les reines, elle laissa rapidement entendre que nul ne devrait lui résister au risque d'en subir les conséquences. Tyran parmi les sorciers elle redonna au nom des Lalauries le faste d'antan et imposa sa façon de penser en écrasant tous ceux qui la gênait.
Aujourd'hui, elle ne se sent que trop encolérée par l'arrivée massive des humains, elle les juge absolument inutiles, rien de plus qu'un rebut de la société qui n'aurait le droit qu'à la place d'esclave si on la laissait faire. Rien de plus qu'une place à la mesure de leur utilité servile. Seulement, si son opinion plaît à de nombreux sorciers, beaucoup d'autres la trouve bien trop extrême et savent qu'il ne faut jamais faire confiance à un Laulaurie, encore moins à leur terrible suprême.

Le sang du sauveur coulait dans ses veines, il était un de ces enfants que l'on regardait avec des yeux à la fois rêveurs et critiques, attendant d'eux qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes pour au moins valoir autant que leur aïeul. Une pression terrible pour les épaules des enfants, une pression qui ne fut néanmoins jamais un problème pour Anatoli. Il rayonnait de ce charisme que seuls les leader peuvent avoir, il éclairait et charmait les plus difficiles à cerner, les plus difficiles à convaincre. Il avait cette présence d'esprit et cet déférences qui laissait à penser que rien ne pourrait l'ébranler, que rien ne pourrait le faire chavirer. Il représentait à lui seul l'autorité qui pouvait contrer les décisions du conseil.
Seulement, même le plus grand des meneurs peut être mis face à ses erreurs, peut faire face aux caprices d'un destin bien assombri. Ainsi, fut il maudit pour ses erreurs de jeunesse, et ainsi vit il ses filles périr sous la main de leur plus jeune sœur, ainsi vit il son épouse sombrer dans la folie pour mieux mettre fin à ses jours. Inébranlable, il ne montrait rien de sa colère. Inébranlable, il ne pouvait se montrer blessé pour toujours sembler grand quitte à se montrer insensible.

Maudite. La maudite. C'était ainsi qu'on la nommait pour ce qu'elle avait fait, c'était ainsi qu'on la percevait pour ce qu'elle représentait. Elle pourrait faire tout ce qu'elle voulait rien ne pourrait jamais effacer le sang qui maculait, désormais, ses mains. Elle portait sur elle la marque du déshonneur, de la possession la plus terrible, la plus meurtrière, la plus sanguinaire. Ce n'était peut être pas de sa faute, mais comment faire oublier que sous l'emprise d'un esprit malfaisant elle avait tué une de ses sœurs, puis une autre, et fait sombrer sa mère dans une terrible mélancolie qui lui avait coûté la vie. Si elle n'avait pas été banni, ni puni, pour son geste quoi qu'elle fut possédée, c'était bien à cause de son trop jeune âge. A peine plus de dix ans, et déjà une volée de destinées brisées. A peine plus de dix ans et le sort en était déjà jeté.

On les aura sous-estimé. On les aura vu comme des sorciers vulgaires, des perdants, des ratés, et voilà que le destin se mettait de leur côté. Qui aurait pu penser que les Grimm renaîtraient de leurs cendres, qui auraient pu imaginer que deux grands sorciers sortiraient de ce moule infécond de magie. Les jumeaux, voilà le nom qu'on leur donne et qui sonne comme un curieux avertissement. Les voilà ceux que l'on ne préfère pas croiser de peur de se voir couper des autes, défait de sa destinée. Curieux tricoteurs qui pourtant n'ont de méfait à leurs actifs que ceux qu'on leur prête. Elle, elle est la pire, celle que l'on nomme sans le cacher la vilaine sorcière, celle qui n'a pour âme que celle qu'elle aura réussit à voler. Mensonges. Calomnies. Tout lui échoie par le biais des cruelles langues de vipère. Elle n'en ressort pourtant pas meurtri, ne s'échine pas même à contredire ce que l'on pourrait lui prêter comme vice. Le sourire implacable étiré sur ses lèvres, elle vogue sur les «on-dit » pour mieux paraître infâme sans l'être vraiment. Au pays des aveugles les borgnes sont rois, et elle n'a que trop de ses deux yeux pour voir qu'en cette ville il vaut mieux être craint que craindre.

Si la jumelle est le côté pile d'une pièce d'argent, lui n'en est pas le côté face mais bien la tranche. Sourire aux traits malhabiles, il semble être habité de cette fragilité que l'on ne prête qu'aux êtres malingres, pourtant il n'est de malade que l'esprit qui est le sien. Mélancolie d'une vie qu'il n'aura jamais vécu, il regrette un temps jadis où les êtres comme eux étaient révérés plutôt que mis de côté. Ainsi, sous les sourires et les diatribes affables se cache le véritable monstre. Doucereuse image qui n'en cache pas moins les démons de la perversion et de la manipulation. S'il n'y avait son amour de double, il serait assuré que bien des fils auraient étés détricotés pour que la mort soit semée.