i want to build you an empire that forgets to collapse + milan

You try to start from scratch, but get let down۞ Malgré ses jeunes années, Milan pouvait presque sentir les doigts de ses parents tisser la fabrique de ses rêves. Il les voyait s’affairer dans tous les sens, agencer le tissu de sa destiné, filer son futur pour qu’il ne soit qu’une ligne droite vers l’excellence. Depuis sa plus tendre enfance le gamin les avait repérer avec leurs sourires délicats et leurs doigts se tordant dans l’ombre. Ecoutant leurs enseignements comme s’il s’agissait des bonnes paroles d’un prêcheur venu lui apprendre la vie, l’adolescent se contentait de baisser les yeux et d’écouter sagement leurs mots. Le regard baissé, la peur au ventre, le presqu’homme toujours gamin se demandait  s’il allait pouvoir réitérer son dernier exploit. La famille Eulitz avait été en émoi lorsque le tardif Milan avait finalement démontré son talent. Tous absent, si ce n’était pour la cicatrice striant son dos, personne n’aurait cru le gamin encore maladroit. Il était trop gauche, trop délicat, trop prompt à s’excuser et ne jamais s’imposer que pour prendre la place nécessaire au développement d’un don digne des siens. Pourtant, le sang s’échappant de la plaie en bouillons urgents, les amis du brun incapable d’expliquer ce qui s’était produit correctement, les parents du blessé s’étaient rendus à l’évidence. Peut-être Milan allait il s’élever à la hauteur de leurs attentes. Exhalant un soupir glacé déplaçant un nuage de buée nacrée, le gamin fixait son père en essayant de lutter contre le trac lui nouant l’estomac. Peu importait l’air rassurant qu’affichait ce dernier, il sentait les yeux de sa famille posés sur lui. Il sentait leurs regards attentifs l’évalué, le ciselé tel du marbre dans l’espoir d’en faire un chef-d’œuvre. L’adolescent fit de son mieux pour calmer les battements erratiques de son cœur en cherchant à se rappeler des conseils de ses parents. Il devait se contrôler, ne serait-ce qu’un peu. Se concentrer, surtout. Il avait répété, encore et encore, les mêmes gestes avec sa fratrie, faisant de son mieux pour mémoriser ses enchainements de vagues et de formes censé l’aider à contrôler la tempête rongeant entre ses côtes. Se concentrant sur son savoir, faisant danser ses mains tels des danseuses étoiles flottant à travers un jour sans soleil, il multipliait les enchainements complexes de ses doigts. D’abord, il traça un pentagone imaginaire, enchaina sur une vague avant de représenter le soleil. Son esprit divaguant au gré des images naissant sous son crâne, le gamin pouvait sentir le stress s’échapper de son système en nappe mordorée s’évaporant dans les airs. C’est alors qu’il sentit l’urgence le prendre à la gorge, cette pulsion destructrice qui naissait au creux de son ventre avant de se répandre dans l’entièreté de son corps. Il pouvait sentir la déchirure, sentir cette force inconnue tirer les pans de son être pour le mettre à nu. Il sentait cette force s’écouler de ses doigts et s’échapper de son être comme de l’électricité zigzagant sous sa chair.  Fermant les yeux pour retenir les embruns à ses paupières qui menaçaient de déborder, Milan faisait de son mieux pour produire un miracle, n’importe quoi. La frustration enflamma le cœur de l’adolescent trop prompt à se laisser bercer par ses émotions alors que ce dernier ouvrait les yeux en grondant : « Ca ne sert à rien ! » Tout autour de lui, les membres de sa famille l’observaient comme s’il était la huitième merveille du monde. « Magnifique… » Fronçant les sourcils, le gamin ne comprenait pas ce que son père entendait par là. Sa mère semblait ravie alors que son fils semblait de plus en plus mal à l’aise face aux regards le scrutant tel un animal sauvage qu’on aurait réussi à attraper. Les poings serrés, sa mâchoire se crispant sous la honte et l’incompréhension, Milan faisait de son mieux pour retenir l’irritation menaçant de s’échapper de sa bouche en torrents caustiques lorsque son frère ainé pointa du doigt sa main droite. Les sourcils froncés, suivant des yeux la zone pointée par son ainé, l’Eulitz découvrit une orbe d’un bleu électrique s’étirant de la base de sa paume jusqu’au contour de sa main. Contrairement à tout ce qu’il avait pu s’imaginer, le gamin ne sentit aucune joie à observer l’expression de cette magie coulant dans ses veines. Observant son œuvre comme si elle lui était étrangère, Milan sentit la nausée lui nouer les entrailles alors que sa gorge se serrait et qu’il se penchait en avant. Le halo bleuté de l’orbe électrique s’estompa alors que le gamin régurgitait le contenu de son diner sur la pelouse familiale sous les rires francs de ses proches comme s’il s’agissait d’un dimanche comme les autres.

there's a crushing silence where love's a disease۞Après toutes ces années passées à chasser la vie comme un papillon de nuit, après les parties de cache-cache passées à se dérober à leurs responsabilités, fuir la maturité de peur qu’elle ne tue l’innocence en eux, le jeune Eulitz n’en revenait pas de faire face à la belle dans ces conditions. Se fixant en chien de faïence, oxymore réduit aux silences par les maux,  les deux amis d’autre fois avaient perdu tout de la chaleur traduisant par le passé leurs émois. Le souffle court du brun était la seule chose rompant le silence assourdissant étant tombé entre les deux jeunes gens, menaçant de briser leurs os sous son poids. La neige recouvrait de son manteau immaculé les ruines de l’église dans laquelle se trouvaient les deux sorciers, tranchant lourdement avec l’obscurité régnant dans les cœurs des locataires des lieux. L’air fier, le regard droit, Yulia n’avait rien perdu de la superbe qui la caractérisait depuis sa plus tendre enfance. Dans ses yeux se trouvait le feu consumant tous sur son passage, au bord des lèvres de la belle se trouvait une invitation au voyage que son ancien ami ne pouvait nier. Elle lui avait manqué. Malgré les années s’étant écoulée, la jeune femme apparaissait toujours au jeune Eulitz comme l’héroïne d’un conte de fée. Au contraire, les épaules légèrement affaissées, le souffle court et les traits défaits, Milan n’avait plus rien avoir avec le gamin rieur qu’il avait pourtant été. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Souffla la belle avec une froideur faisant passer la tempête à l’extérieure du bâtiment pour  un alizée tiède d’une chaude nuit d’été. Les yeux plantés dans ceux de la belle, le cœur battant la chamade à l’idée des années les séparant, du fossé les déchirant, le sorcier ne savait pas vraiment quoi dire. Pourquoi était-il là ? Pourquoi avait-il senti ce besoin de quitter le foyer familial ? Quelle raison incompréhensible avait forcé sa fuite, le poussant à trainer sa carcasse transie par le froid à travers la tempête rageant de plus en plus fort sur la ville ? Milan n’en savait rien, à l’image d’un naufragé battant désespérément des bras et des jambes, il s’était contenté d’avancer de peur de finir par se noyer. Perdu dans cette conversation tout comme il était perdu au cœur de la tempête grondant sous son crâne, le jeune homme restait coi face au regard enflammé de son amie d’antan. « J’avais besoin de m’éloigner de tout ça… » Répliqua-t-il finalement dans un mouvement vague du bras. S’éloigner de sa vie, de ses proches, de ce poids reposant sur ses épaules en permanence. Il avait besoin de faire taire cette voix dans sa tête lui disant qu’il n’était pas assez compétent, pas assez puissant, pas capable d’assez se contrôler. Les mots étaient sortis de sa bouche comme des lames de rasoir, le brun les laissaient rouler sur sa langue dans une douleur rompant son coeur. Il pouvait sentir la plaie, sentir le sang s’échapper à l’évocation de ces choses qui poussaient sa trachée à se resserrer alors que le monde semblait alourdir ses épaules. Plus encore, il sentait son cœur se serrer à l’idée que Yulia comprenait, qu’elle avait toujours comprise malgré le temps ayant décidé de les séparer, son besoin de s’échapper, cette lutte contre lui-même qu’il réalisait en permanence. Elle comprenait et pourtant ils se faisaient face de part et d’autre d’un champ de bataille sans front. Le regard de la belle avait viré à l’orage, ses prunelles chocolatées s’étaient faites orbes d’ébènes alors que ses traits ne traduisaient rien de l’ancienne complicité existant entre eux. Sortant une cigarette du paquet se trouvant dans sa poche, Milan l’alluma avec une lenteur mesurée comme s’il avait peur que la belle ne se ravise et finisse par se décider de lui sauter à la gorge. Au lieu de quoi, son amie d’enfance se contenta de l’observer comme s’il n’était rien de plus qu’un étranger, rien de plus qu’un inconnu qu’elle méprisait avec la plus grande des animosités. Se déplaçant dans le chœur de l’église afin de lutter contre la chape de plomb menaçant de le clouer sur place, bougeant comme pour combler le vide et l’absence les séparant, il exhalait péniblement la fumée nacrée consumant ses poumons. Regard fuyant, cœur perdu sur le front d’une guerre qu’il ne se savait pas réaliser, l’Eulitz ouvrit la bouche à plusieurs reprises. La fierté lui cloua le bec autant de fois, la peur aussi, l’empêchant de laisser échapper à ses lèvres scellées les secrets et les regrets qu’il avait vécu ces dernières années. Néanmoins, l’hésitation au regard et le fantôme des mots qu’il s’était forcé à ravaler au creux des lèvres, il se tourna à nouveau vers Yulia incapable de dire ce qu’il avait pourtant sur le cœur. De l’autre côté de la pièce, les dents serrés et le torse bombé comme une guerrière s’apprêtant à partir au combat, la brune toisait du regard son ancien ami auquel elle n’était plus liée que par l’inimité et les relents d’un lien qu’ils ne pouvaient décemment rompre aussi aisément. « J’en ai marre Yulia. Ça peut pas continuer comme ça, on peut pas continuer comme ça ! » Sous la rancœur, sous la peine et le fiel ayant fini par émaillé leurs plus beaux souvenirs, Milan sentait la colère se frayer un chemin jusqu’aux icebergs se déplaçant dans ses poumons. Seule la brune avait eu le don de faire fondre les glaces givrant son sang, ramener le printemps dans son cœur prisonnier d’un hiver sans fin. Sans elle, l’Eulitz savait qu’il ne fonctionnait plus bien. Pareil à un pantin désarticulé dont on aurait coupé les files, il se retrouvait paumé, délaissé. Bon à rien incapable de mettre des mots sur le trouble qui rongeait ses veines, il sentait le poison se répandre dans son sang alors que l’idée de perdre la belle le clouait sur place. « Je sais pas ce que tu veux que je fasse. J’ai aucune idée de ce que je pourrais bien faire pour réparer ce qui va plus entre nous. Je sais juste que t’as toujours été là et que maintenant que c’est plus le cas c’est comme si je disjonctais. Je comprends pas. » Le cœur au creux des mains, la peur au bord des lèvres, Milan faisait de son mieux pour reboucher le fossé les séparant. Il rapiéçait les fondations de leur relation comme un fou tentant de vider la calle d’un navire prenant l’eau par tous les côtés.Pas après pas, il s’approchait de la jeune femme dans l’espoir fou qu’elle l’accueillerait les bras ouverts. Les yeux perdus dans le regard de la brune,  vulnérabilité affichée à sa vue comme ultime gage de son désir de faire la paix, il tendit doucement les bras vers la belle comme si elle était un animal sauvage qu’il tentait d’apprivoiser. Leur étreinte était hésitante, contact réticent qu’ils se forçaient à partager dans l’espoir de retrouver une flamme depuis longtemps soufflée par les bourrasques du temps. Le cœur apaisé par la présence de Yulia, Milan se laissait bercer par la fragrance rassurante de son amie alors qu’il retrouvait la chaleur que cette dernière avait toujours su faire neutre entre ses côtes. « Ca ne change rien, Milan. » Un souffle, une exhalation douloureuse s’échappant de lèvres dont il avait trop rêvé pour son propre bien. Il n’avait fallu rien de plus que ces quelques mots pour faire tanguer ce château de carte sur lequel il reposait. La forteresse de ses bras se ressera un peu plus fermement autour de leur prisonnière alors que les mots percutèrent le brun en plein vol. Rien de plus que l’aigreur d’une absence de mots sur le bout de la langue, le presqu’homme au cœur d’enfant se contenta de presser plus fortement ses paupières l’une contre l’autre en essayant d’ignorer ce qu’elle venait de dire. La main de la sorcière passa dans ses cheveux, caresses tendres et amer cherchant à bercer le jeune homme qui se transformait instantanément en gamin sous les doigts de la belle. « Je te connais, tu feras toujours passer ta famille en premier. Même si tu sais qu’il s’agit du mauvais choix. » Milan s’étouffa sur l’amertume des mots de Yulia. Le cœur au charnier, le presqu’homme ne chercha pas à la retenir lorsque la belle lui fila à nouveau entre les doigts. Il l’avait contre lui un instant plus tôt, néanmoins, il savait qu’elle était déjà loin, trop loin que pour qu’il puisse la rattraper.